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INTRODUCTION À WHATEVER

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Message  Casus Belli Dim 20 Nov - 19:09

Introduction au roman Whatever (Michel Houellebecq) par Toby Litt. Traduit par JOACHIM

Le roman est reposant. Dans sa forme. Il déteste le travail. En tant que sujet. Plus spécifiquement, il déteste les travailleurs. En tant que sujets. Les gens qui vont au travail. Plus spécifiquement toujours, il déteste les travailleurs de bureau. En êtes-vous un ? Vous n'êtes pas un travailleur de bureau, si ? Alors je suis désolé. Je ne veux pas dire que je suis désolé que vous soyez un travailleur de bureau. (Bien qu'en fait si, je le suis. Profondément.) Non, je suis désolé que le roman, dans sa forme, vous déteste. Au nom du roman - particulièrement au nom de ce roman - je m'excuse. Ce n'est pas chouette d'être détesté, si ? Ça vous rend triste. C'est pourquoi je suis désolé. Michel Houellebecq n'est pas désolé, lui. Il vous déteste bien plus que je ne le fais. Il vous putain de déteste. Il n'est pas en train de s'excuser pour ça. Parce qu'il déteste ce que vous et tous les travailleurs de bureau font au roman. Parce qu'il déteste le genre de vie que vous et tous les travailleurs de bureau menez. Parce qu'il déteste ce que vous et tous les travailleurs de bureau avez fait de la vie elle-même. Vous pouvez vous rassurer avec le fait que Michel Houellebecq déteste aussi les romans, se déteste lui-même, le monde et tout ce qu'il inclut. C'est un célèbre détracteur. C'est un célèbre détracteur en partie parce qu'il est doué pour ça et en partie parce qu'il est français. Et il n'y a rien qu'un peuple aime plus détester qu'un détracteur français. Son premier livre, publié en 1991, portait sur l'écrivain alors passé de mode H.P. Lovecraft. H.P. Lovecraft, qui est depuis malheureusement à la mode. Le titre complet du livre était H.P Lovrecraft : contre Le Monde, contre La vie. En anglais, ça donne le titre plus grinçant de Against the World, Against Life. Avec une admiration évidente, et une approbation totale, le jeune Houellebecq citait Lovecraft : "Je suis si viscéralement usé par l'humanité et par le monde que rien ne peut plus m'intéresser, à moins d'un double meurtre sur chaque page ou bien tout ce qui se rapproche des horreurs innommables et inexplicables qui nous guettent dans les univers lointains." Le ton d'Extension du domaine de la lutte est exactement celui-ci, "viscéralement usé". C'est un roman résolument décousu sur une partie résolument décousue d'une vie résolument décousue. La vie de notre Héro, un travailleur de bureau de 30 ans. En tant que tel, en tant qu'exemple d'homme résolu, c'est un pari artistique gagné. Pour ce qu'il cesse d'être. De plus, pour ce pour qu'il n'est pas tenté de vouloir faire  primordialement. Qui est de chercher n'importe quel moyen hors, autour ou au-delà du déchirement. Houellebecq lui-même ne fait pas partie des  "horreurs innommables et inexplicables" de Lovecraft. Les horreurs de Houellebecq sont bien trop nommables. Ses horreurs s'expliquent bel et bien. Certaines de ses horreurs sont des comptables. Extension du domaine de la lutte est un roman fidèle au monde tel qu'il est, pas le monde déformé pour être commode à la romance littéraire ou complaisant pour les cercles de lecture. Si vous cherchez un personnage principal sympathique, tant pis. Si vous recherchez un roman à suspense à l'intrigue renversante, tant pis. Si vous espérez une rédemption dans le paragraphe final, tant pis. Ce que vous êtes sur le point de lire, est comme son titre français l'indique : Extension du domaine de la lutte. Qu'est-ce que ça signifie ? Quelle lutte ? Comme le 1984 de George Orwell, Whatever est un roman qui s'interrompt lui-même à mi-chemin pour étaler un travail pré-mâché de théorie socio-politique. Celui d'Orwell s'appelle Théorie et Pratique du collectivisme oligarchique. Celui de Houellebecq s'appelle Dialogue entre un teckel et un caniche. La thèse de Houellebecq se résume en une ligne : "La sexualité est un système de hiérarchie sociale." Plus loin, il développe le sujet : "Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons similaires, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue." Et c'est là qu'on arrive au titre original, tel qu'expliqué dans le corps du roman : "Le libéralisme économique est une extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel est une extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges et à toutes les classes de la société." Whatever a une intrigue, celle de notre Héro et sa tentative de s'occuper d'un des plus grands loosers de nos jours - Raphaël Tisserand, travailleur de bureau, vierge. "Il a l'apparence exacte d'un crapaud-buffle - des traits épais, grossiers, larges, déformés, le contraire exact de la beauté". La description continue. Et devient pire. C'est l'une des horreurs nommables de Houellebecq, des horreurs qui s'expliquent. C'est le genre de choses que vous voyez lorsque vous regardez par-dessus votre écran d'ordinateur, lorsque vous scrutez à travers les bureaux, quand vous observez l'extension incessante du domaine de la lutte.
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