AMELIE NOTHOMB
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AMELIE NOTHOMB
ACIDE SULFURIQUE _2005
Dans ce roman, Amélie Nothomb imagine un concept de télé-réalité montrant des personnes enfermées comme dans un camp de concentration et filmées continuellement. L'émission en question s'appelle d'ailleurs "Concentration".
La pertinence est dérangeante car la nature humaine est plus que déshabillée : elle est violée. Elle n'est pas simplement observée à nue, comme pourrait le faire n'importe quelle critique de la télé - réalité mais bousculée, tiraillée, déchirée, pénétrée puis torturée.
L'intérêt ici n'est pas de se délecter du style de l'auteur mais d'être dérangé ; ce qu'elle stipule dans son roman-manifeste (Hygiène de l'Assassin), est l'intérêt de traverser le roman sans scaphandre et voir notre propre monstruosité, nous dépouiller de toute hypocrisie pour observer une laideur fascinante. Ici, il s'agit de constater que nous sommes des monstres à vouloir de telles émissions. Le monstre, c'est le téléspectateur, pas le producteur.
Il ne faut pas rechercher la cohérence, la faisabilité du scénario : son livre n'est pas une étude de projet de télé-réalité, mais une démonstration sur la nature humaine actuelle et non pas sur les dérives potentielles qui en découlent, ce récit N'EST PAS une anticipation, ni un signal d'alarme, comme aiment s'attitrer beaucoup d'œuvres de fictions scientifiques, mais une vision de soi ACTUELLE, et son HYPOCRISIE face à notre propre voyeurisme, car chaque fois que nous ouvrons la télé, ou un journal people, on est le monstre qu'elle décrit dans toute sa splendeur et c'est cela qui dérange et refuser de le constater ne fait que prouver la justesse de son observation lorsque les spectateurs allument leur télé tout en voulant que l'émission « Concentration » cesse.
Prendre un tel sujet n'est pas se rabaisser mais au contraire affronter des défauts que l'on ne veut pas voir parce qu'ils sont puants.
Acide Sulfurique n'est pas une morale sur « ce n’est pas bien de tuer » ou « nous regardons des horreurs à la télé », mais un constat sur soi et NON sur la situation.
L’expérience réalisée par le psycho-sociologue français Jean-Léon Beauvois en 2007 Le jeu de la mort (Emission fictive), reprenant le concept de l’expérience de Milgram mais appliqué avec l’autorité de la télévision, est proche : sous couvert de l’autorité de la télévision, le sadisme peut avoir lieu.
UNE FORME DE VIE _2010
La nourriture que Melvin Mapple ingurgite, c’est l’horreur magnifiée. La graisse dont il est emplit est son essence de vivre, son double qu’il nomme Schéhérazade. Le monde extérieur a imprimé en lui les stigmates indélébiles de la déformation. Mais cette déformation n’est pas uniquement physique ; elle est avant tout mentale. C’est ici que le rapport de l’écrivain à son œuvre intervient : qu’est-ce ? l’œuvre de l’écrivain/e est la boursouflure paroxystique engendrée par sa confrontation au réel.
J’observe ici une asymétrie des conséquences : l’esprit gagne en imagination fertile ce que le physique perd de gracile.
Schéhérazade est le double graisseux qui se multiplie comme la vie. La protubérance de l’écrivain/e, c’est son œuvre, sa raison de vivre. C’est à la fois monstrueux, mais en même temps sa seule preuve de se savoir en vie. La « Forme de vie » dont elle fait mention, est celle d’écrire, notamment au travers d’échanges épistolaires.
Cf la fin :
Nous fuyons l’horreur du vivant, tout en cherchant à le reproduire. La confrontation avec celui-ci produit notre raison de vivre ; pour bon nombre d’individus, la solution à leur propre continuité sont les enfants. Qui sont les enfants d’Amélie ? Ses livres, elle en est enceinte, elle en accouche, ils se marient (avec le cinéma, le théâtre, etc). Ses livres sont sa forme de vie.
Comme la bouffe, la gloutonnerie de l’écriture n’a pas de barrière.
« ce sont les plus humains d’entre nous qui ont sombré dans la boulimie »
être vivant, c’est reproduire sa graisse.
A propos de Shéhérazade, p39 « la nuit, je sens qu’elle m’aime. Je hais ma graisse, et celle-ci me torture toute la journée. »
Le jour ils se détestent, la nuit ils s’aiment. « On fait toujours du mal à ceux qu’on aime. L’adage oublie de mentionner qu’on aime ceux qui nous font du mal.» Fight Club. Au travers de son œuvre Amélie montre que la haine n’est pas l’opposé de l’amour. C’en est juste un autre mode, aussi intense, aussi orgasmique.
Mon interprétation trouve ici encore des traces de sa stabilité : Amélie n’a de cesse de répéter qu’elle ne peut pas s’empêcher d’écrire, elle en est boulimique, comme Melvin, c’est une réponse aux flagellations de la réalité. « Sometimes the appropriate response to reality is to go insane »
Il n’y a pas moins pudique que d’écrire. Ici encore, le parallèle est flagrant : Melvin stipule une gêne à envoyer des photos de lui nu. Ce qui le sauve de la honte, c’est d’y apposer la marque de l’art : idem pour l’écrivain/e, peut-on se confier sérieusement ? L’art est l’affranchissement des règles, à but désintéressé. Pourquoi continue t-elle dans son auto-fiction la correspondance avec cet individu, au point de tenter de le rencontrer ?
Parce qu’il est son double.
Quelle est la porte de sortie de l’obèse en question ? c’est sa bouche. Il mange, mange tellement, parce qu’il nourrie une anxiété sans borne. C’est ce qui le tuera. La bouche est à l'obèse ce que la main est à l'écrivain : le siège de la jouissance. La réponse à sa question est : elle écrit comme le boulimique s'empiffre ou l’anorexique se prive, parce que le monde est effrayant. Il faut lui en tendre un miroir pour qu’il se contemple.
Dans ce roman, Amélie Nothomb imagine un concept de télé-réalité montrant des personnes enfermées comme dans un camp de concentration et filmées continuellement. L'émission en question s'appelle d'ailleurs "Concentration".
La pertinence est dérangeante car la nature humaine est plus que déshabillée : elle est violée. Elle n'est pas simplement observée à nue, comme pourrait le faire n'importe quelle critique de la télé - réalité mais bousculée, tiraillée, déchirée, pénétrée puis torturée.
Amélie nothomb a écrit:"Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle."
L'intérêt ici n'est pas de se délecter du style de l'auteur mais d'être dérangé ; ce qu'elle stipule dans son roman-manifeste (Hygiène de l'Assassin), est l'intérêt de traverser le roman sans scaphandre et voir notre propre monstruosité, nous dépouiller de toute hypocrisie pour observer une laideur fascinante. Ici, il s'agit de constater que nous sommes des monstres à vouloir de telles émissions. Le monstre, c'est le téléspectateur, pas le producteur.
Il ne faut pas rechercher la cohérence, la faisabilité du scénario : son livre n'est pas une étude de projet de télé-réalité, mais une démonstration sur la nature humaine actuelle et non pas sur les dérives potentielles qui en découlent, ce récit N'EST PAS une anticipation, ni un signal d'alarme, comme aiment s'attitrer beaucoup d'œuvres de fictions scientifiques, mais une vision de soi ACTUELLE, et son HYPOCRISIE face à notre propre voyeurisme, car chaque fois que nous ouvrons la télé, ou un journal people, on est le monstre qu'elle décrit dans toute sa splendeur et c'est cela qui dérange et refuser de le constater ne fait que prouver la justesse de son observation lorsque les spectateurs allument leur télé tout en voulant que l'émission « Concentration » cesse.
Prendre un tel sujet n'est pas se rabaisser mais au contraire affronter des défauts que l'on ne veut pas voir parce qu'ils sont puants.
Acide Sulfurique n'est pas une morale sur « ce n’est pas bien de tuer » ou « nous regardons des horreurs à la télé », mais un constat sur soi et NON sur la situation.
L’expérience réalisée par le psycho-sociologue français Jean-Léon Beauvois en 2007 Le jeu de la mort (Emission fictive), reprenant le concept de l’expérience de Milgram mais appliqué avec l’autorité de la télévision, est proche : sous couvert de l’autorité de la télévision, le sadisme peut avoir lieu.
UNE FORME DE VIE _2010
La nourriture que Melvin Mapple ingurgite, c’est l’horreur magnifiée. La graisse dont il est emplit est son essence de vivre, son double qu’il nomme Schéhérazade. Le monde extérieur a imprimé en lui les stigmates indélébiles de la déformation. Mais cette déformation n’est pas uniquement physique ; elle est avant tout mentale. C’est ici que le rapport de l’écrivain à son œuvre intervient : qu’est-ce ? l’œuvre de l’écrivain/e est la boursouflure paroxystique engendrée par sa confrontation au réel.
p 31Amélie Nothomb a écrit:« Comme Schéhérazade.
J’ai l’impression que c’est elle qui écrit la lettre : je ne parviens pas à l’arrêter.»
p 31Amélie Nothomb a écrit:« J’ai horreur de mon obésité, mais j’aime Schéhérazade. »
J’observe ici une asymétrie des conséquences : l’esprit gagne en imagination fertile ce que le physique perd de gracile.
p34Amélie Nothomb a écrit:« un corps obèse est – il vivant ? la seule preuve qu’il n’est pas mort, c’est qu’il grossit encore. C’est ça la logique de l’obésité. »
Schéhérazade est le double graisseux qui se multiplie comme la vie. La protubérance de l’écrivain/e, c’est son œuvre, sa raison de vivre. C’est à la fois monstrueux, mais en même temps sa seule preuve de se savoir en vie. La « Forme de vie » dont elle fait mention, est celle d’écrire, notamment au travers d’échanges épistolaires.
Cf la fin :
Amélie Nothomb a écrit:« depuis que tu as commencé à écrire, quelle est ta quête ? Que convoites-tu avec une si remarquable ardeur depuis si longtemps ? Pour toi, écrire, qu’est-ce que c’est ? Tu le sais : si tu écris chaque jour de ta vie comme une possédée, c’est parce que tu as besoin d’une issue de secours. »
Nous fuyons l’horreur du vivant, tout en cherchant à le reproduire. La confrontation avec celui-ci produit notre raison de vivre ; pour bon nombre d’individus, la solution à leur propre continuité sont les enfants. Qui sont les enfants d’Amélie ? Ses livres, elle en est enceinte, elle en accouche, ils se marient (avec le cinéma, le théâtre, etc). Ses livres sont sa forme de vie.
Comme la bouffe, la gloutonnerie de l’écriture n’a pas de barrière.
« ce sont les plus humains d’entre nous qui ont sombré dans la boulimie »
être vivant, c’est reproduire sa graisse.
A propos de Shéhérazade, p39 « la nuit, je sens qu’elle m’aime. Je hais ma graisse, et celle-ci me torture toute la journée. »
Amélie Nothomb a écrit:« il y a Shéhérazade qui, après l’extinction des feux me donne de l’amour. »
Le jour ils se détestent, la nuit ils s’aiment. « On fait toujours du mal à ceux qu’on aime. L’adage oublie de mentionner qu’on aime ceux qui nous font du mal.» Fight Club. Au travers de son œuvre Amélie montre que la haine n’est pas l’opposé de l’amour. C’en est juste un autre mode, aussi intense, aussi orgasmique.
p54Amélie Nothomb a écrit:« je lui ai dit que si on bouffait à ce point, c’était par révolte, c’était une réponse violente à la violence que nous subissions. »
Mon interprétation trouve ici encore des traces de sa stabilité : Amélie n’a de cesse de répéter qu’elle ne peut pas s’empêcher d’écrire, elle en est boulimique, comme Melvin, c’est une réponse aux flagellations de la réalité. « Sometimes the appropriate response to reality is to go insane »
p63Amélie Nothomb a écrit:« cette obésité est devenue mon œuvre »
p64Amélie Nothomb a écrit:« il peut m’arriver, en mangeant comme un fou, d’éprouver cet enthousiasme qui est, je suppose, celui de la création. »
p80 c’est l’œuvre de l’écrivain : la place qu’elle prend l’encombre, en plus d’être le témoins de son mal être.Amélie Nothomb a écrit:« l’éloquence de l’obésité »
p111 à quoi ? la création.Amélie Nothomb a écrit:« grossir annexait le néant »
Il n’y a pas moins pudique que d’écrire. Ici encore, le parallèle est flagrant : Melvin stipule une gêne à envoyer des photos de lui nu. Ce qui le sauve de la honte, c’est d’y apposer la marque de l’art : idem pour l’écrivain/e, peut-on se confier sérieusement ? L’art est l’affranchissement des règles, à but désintéressé. Pourquoi continue t-elle dans son auto-fiction la correspondance avec cet individu, au point de tenter de le rencontrer ?
Parce qu’il est son double.
Quelle est la porte de sortie de l’obèse en question ? c’est sa bouche. Il mange, mange tellement, parce qu’il nourrie une anxiété sans borne. C’est ce qui le tuera. La bouche est à l'obèse ce que la main est à l'écrivain : le siège de la jouissance. La réponse à sa question est : elle écrit comme le boulimique s'empiffre ou l’anorexique se prive, parce que le monde est effrayant. Il faut lui en tendre un miroir pour qu’il se contemple.
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